Chaque été, Sanssat, petit village auvergnat, se transforme en un Broadway du Bourbonnais lors de quatre représentations en plein air à ne manquer sous aucun prétexte.
C’est l’été, vous êtes installé devant une scène de renommée… départementale pour une comédie musicale qui décoiffe. Vous vous croyez à Broadway, USA ? Vous êtes en Auvergne, à Sanssat.
Il est des aventures qui tiennent à peu de choses. Celle qui anime depuis des années ce petit village de l’Allier est née d’une rencontre entre trois hommes qui allait devenir de compères et inventer un concept peu commun : la comédie musicale élevée en plein air.
Quand David Ramus rencontre André Piessat et Eric Prissette, on est en 1998. L’un est grenoblois d’origine, ex-animateur chez le voyagiste Fram et grand amateur de comédie musicale. L’autre, originaire de Sanssat, est un menuisier alors déjà très impliqué dans la vie de son village. Le troisième également enfant du pays, est artificier de son état et aime les challenges un peu dingues. Entre eux trois, la mèche allait pas tarder à s’enflammer. « Je suis arrivée un peu par hasard à Sanssat pour y monter une comédie musicale dans une salle du village, se souvient Davis Ramus. C’était Les Misérables. Dans le public, il y avait Eric Prissette qui à la fin du spectacle est venu me demander si je me sentais capable de monter le spectacle en extérieur, de manière plus grandiose et en convoquant les habitants du village pour participer à tout. J’ai dit oui… » Sans savoir, ni prévoir ce qu’il allait advenir.
La convocation des habitants à ce projet fou se fait à l’ancienne : d’abord, les associations sont convoquées en une première assemblée ; puis André et Eric se rendent directement à la rencontre des quelque 267 habitants, en porte à porte, pour les convier à une première assemblée générale. Surprise, près d’un tiers des âmes du village disent banco.
Sanssat, c’est sensasss !
Quelque 30 ans plus tard, les spectacles s’enchaînent, la troupe augmente, parmi les artistes amateurs certains se professionnalisent mais l’ambiance des débuts est toujours là : un mélange détonnant de plaisir, de bienveillance, de vitalité, sans chichi et accessible à tous. C’est qu’à Sanssat, les mémés du village sont costumières.

Année après année, le président de l’Association sanssatoise de Comédie musicale (ASCM) André Piessat, – depuis devenu maire du village – peaufine les décors et dirige le montage de la scène – scène dont il a lui-même dessiné les plans, il y a quelques vingt ans. Quant à Eric Prissette, il a longtemps été aux manettes de la technique avant de voler vers d’autres cieux.
Rien ne serait non plus possible sans cette pléthore de talents venus du village ou de ses alentours et qui se transforme, le temps d’un spectacle, en acteur, chanteur, danseur…
Et puis, bien sûr, il y a David qui baigne depuis son plus jeune âge dans le monde enchanté des comédies musicales. Son ambition depuis qu’il a posé ses valises dans l’Allier : monter et produire tous les shows de Broadway. Pari réussi.Après Les Misérables, les Sanssattois ont pu découvrir Into the Wood, Joseph et le manteau multicolore mais aussi Grease, Priscilla folle du désert ou encore Mamma Mia en juin et juillet 2025.
A Sanssat, on est loin de la kermesse de fin d’année. Le spectacle, en plein air quelque soit le temps, réussit l’exploit d’être à la fois grandiose et intimiste, professionnel et participatif. On doit ce petit miracle à la gouaille et le dynamisme de David qui cumule les rôles d’acteur, de chanteur et de maître de cérémonie. Chants et danses sont sans fausse note. Quant aux costumes et décors, ils sont tous simplement bluffants et made in Bourbonnais. « On a été capable de monter un énorme tapis roulant à partir d’une bétaillère, le bus de Priscilla, folle du désert a été reproduit à l’identique avant d’avoir été repéré puis acheté par une troupe de théâtre, les 120 aubes de la comédie musicale Sister Act ont été cousu sur place et pour Mamma Mia, une grande partie du spectacle se déroule sur une passerelle de plusieurs mètres de hauteur« , détaille encore David, l’homme orchestre de la troupe.
La culture est dans le pré
Autre particularité du spectacle sanssatois : sa rareté. Quatre représentations, deux à la fin juin de chaque année, les deux autres début juillet et puis basta. Pourquoi cette frustration pour les spectateurs ? Parce que la rareté créé la valeur ? Que nenni. L’explication est plus rurale. « Le champ où l’on tire le feu d’artifice qui ponctue chaque final est celui des vaches. Elles nous le prêtes pour quelques soirées mais le paysan ne peut pas les changer constamment de prés. D’autant plus, que le lendemain du spectacle les bénévoles doivent ramasser tous les petits morceaux d’artifices pour éviter que les vaches ne les avalent« .
Il faut tout un village pour faire le show
Sanssat c’est 267 habitants et presque autant de bénévoles. Bon d’accord on exagère un peu mais disons une bonne moitié qui respire, mange, rêve comédie musicale et spectacle vivant. Pas banal dans ce territoire bourbonnais qu’on dit implanté en pleine diagonale du vide. Tout n’est pas rose pour autant car Sanssat possède aussi ses ronchons qui râlent devant un afflux massif de spectateurs… quatre jours par an. De quoi monter Clochemerle, version comédie musicale.
Après le succès de Mamma Mia en reprise spéciale en 2025, la troupe prépare pour 2026 sa nouvelle comédie musicale. Ca sera Sur un air de Wicked. Wicked, vous connaissez ? C’est la méchante sorcière du Magicien d’Oz. Mais le titre et les mélodies sont moins populaires que celles de Sister Act ou de Mamma Mia. A voir donc si le succès sera au rendez-vous ? « On ne s’en fait pas trop car depuis le temps, on s’est taillé une belle petite réputation. On est passé deux fois au JT de TF1, deux fois dans « C’est au programme« , l’émission de Sophie Davant et puis surtout il y a le bouche-à-oreille« .
Pourtant la préparation du prochain show commence à travailler un peu l’équipe locale. « Wicked, ça va parler de sorcières et les sorcières ça s’envolent sur des balais. On est en pleine réflexion pour savoir comment on va pouvoir réaliser ça : faire voler et chanter l’une des comédiennes ! », se questionne David.
Réponse en juin 2026, sur la place du village, derrière le champs des vaches. Pour Vazzy, le rendez-vous est pris.
