En 2024, quelque onze millions de touristes se sont rendus dans les 11 parcs nationaux en France. Espaces naturels préservés et réservoirs de biodiversité essentielle, les parcs nationaux sont sur la sellette depuis qu’un projet de réforme menace leur statut et leurs missions. Interview.
Vazzy : Une commission d’enquête parlementaire a rendu, début juillet, un rapport qui préconise de supprimer divers organismes environnementaux et de fusionner les 11 établissements publics de gestion des parcs nationaux au sein de l’Office français de la biodiversité (OFB). Ce n’est qu’une mesure technique et budgétaire ou c’est pire que ça ?
John Thompson : La réforme est présentée comme une mesure d’économie et de simplifications administratives mais concrètement cela veut dire que qu’il n’y aura plus aucun pilotage local des parcs nationaux mais un pilotage unique depuis les différents bureaux de l’Office français de la biodiversité. Franchement c’est la réforme de trop car le pilotage local de la gouvernance est essentiel pour préserver efficacement la biodiversité. Démonter ce modèle de fonctionnement sera contre-productif.
Qu’est-ce qui vous a poussé à contribuer à l’appel contre ce que vous appelez le démantèlement des parcs nationaux ?
L’urgence à agir. Cette tribune, parue dans le journal Le Monde, n’est pas le premier appel pour informer ce qui se trame derrière une mesure qui peut apparaître comme technique. Dès le mois de juillet, j’ai écrit directement à la ministre des Comptes publiques pour l’alerter sur ce qu’impliquerait la fusion de la gouvernance des parcs au sein de l’Office français de la biodiversité.
En quoi ce regroupement serait dangereux ?
Cela fait 60 ans qu’il existe des parcs nationaux en France et la biodiversité dans ces sites est en train d’augmenter. Les parcs sont un des rares espaces qui montre que la nature et le vivant peuvent se requinquer avec des mesures de protections adaptées. En France, métropolitaine ou ultra-marine, on peut dire que les parcs nationaux sont des territoires d’exception où la biodiversité tient bien mais au prix d’efforts considérables des équipes locales. La proximité de leur pilotage est une composante très importante de la bonne santé des parcs.

Avez-vous des exemples ?
Bien sûr. Le parc national du Mercantour par exemple est devenu depuis sa création un bastion important pour les chamois, les bouquetins qui ont été réintroduits et qui y vivent désormais très bien, ainsi que des gypaètes barbus, ces magnifiques rapaces, qui depuis quelques années reviennent régulièrement. Les parcs sont aussi des sites de références pour étudier les changements climatiques, là où l’homme à un faible impact sur la nature. L’activité des parcs nationaux sur ce sujet est en passe de devenir un modèle exemplaire. A ne pas toucher.
Cette approche budgétaire est-elle une remise en cause des acquis du passé pour les parcs nationaux ?
Oui. En 2006, la loi Giran relative aux parcs nationaux a réformé la gouvernance non seulement pour moderniser leur gestion et associer collectivités et acteurs locaux au parc tout en réaffirmant la notion de « cœur de parc » qui donne la priorité à la préservation de la nature. Par ailleurs, on y affirmait le rôle du Conseil scientifique et depuis cette réforme, chaque parc a élaboré sa charte sur le long terme en associant l’ensemble des acteurs locaux dans ses missions de préservation des patrimoines naturel et culturel.

A quoi ressemblerait un parc national avec une gestion délocalisée ? Est-ce que la gestion du tourisme serait aussi un problème ?
C’est difficile de répondre à cette question car j’ai du mal à imaginer qui organisera l’activité des agents si on supprime la direction locale ? Les gardes des parcs nationaux n’ont pas qu’un rôle de surveillance. Ils et elles sont au coeur de l’activité scientifique sur les programmes sur le dérèglement climatique et, l’un des grands axes de leur travail concerne l’éducation à l’environnement auprès des habitants, des jeunes, des touristes… Depuis le Covid, les parcs nationaux ont connu un afflux touristique exponentiel. Certains parcs limitent donc cet afflux par des quotas de visiteurs. Et, c’est assez bien accepté quand les gardes des parcs nationaux font de la pédagogie et de l’éducation à l’environnement. Il ne faut surtout pas fragiliser cette activité.
La crise écologique et climatique renforcent-elles l’urgence de défendre les parcs tels qu’ils sont aujourd’hui ?
Tout à fait. S’il y a 11 parcs nationaux en France (8 en France métropolitaine et 3 dans les territoires ultra-marins, NDLR) ce n’est pas un hasard s’ils sont représentatifs des différents climats et territoires de la France. Leur mission est la même : préserver les patrimoines mais chacun avec leur singularité. Leurs conseils scientifiques étudient ce qui se passe actuellement sur leur territoire pour aider à se préparer au dérèglement climatique : des étés caniculaires, des pluies torrentielles des sécheresses printanières, des hivers avec moins de neige même en haute montagne.
Enfin, les parcs nationaux rayonnent à l’international. Le Parc naturel du Mercantour, par exemple, a créée, avec son homologue italien, le log de la frontière italienne le Parco Naturale delle Alpi Marittime, un groupement européen de coopération territoriale (GECT). Cette collaboration transfrontalière a tout son sens tout simplement parce que la biodiversité n’a pas de frontière.
